LES RUMEURS

On raconte que les provinces de Piast le cruel, Prince de Drostérie seraient infestées par la vermine en Sartar

En ce 8ème mois de l'an 1706, il se dit qu'en Sartar le Roi Rulrik a remporté une brillante victoire.
Il a glorieusement conquis 15 provinces du prince Piast qui ne demandaient qu'à se ranger sous sa bannière.

Mais quelques traîtres restés fidèles au vil Piast ont lâchement assassiné 131 libérateurs de l'armée royale.
En représaille et pour l'exemple 11 935 hommes, femmes et enfants ont dû être passés au fil de l'épée.
Leur restes seront donnés en pâture aux corbeaux

Qu'on se le dise.

Souverain... rain... rain !
Montre-nous tes cornes
Si tu ne les montres pas
On dira à ton Papa
Qu'il te les coupe !

... (les cornes)

Les murs de la forteresse de la reine Tanaka suintent la peur. Ses gardes, autrefois fiers et disciplinés, évitent désormais son regard. Pourquoi ? Parce qu’ils savent.

Ils ont vu.

La reine ne dort plus. Elle erre dans les couloirs la nuit, murmurant à des ombres, répondant à des voix que personne d’autre n’entend. Ses ordres sont de plus en plus erratiques, ses décisions de plus en plus sanglantes. Hier encore, elle a fait exécuter trois de ses propres vassaux pour « trahison », sans preuve, sans procès. Juste un regard vide et un geste de la main.

Mais le pire, c’est ce qu’on chuchote dans les cuisines du château : la reine Tanaka ne mange plus. Pas de nourriture, en tout cas. On dit qu’elle se retire chaque nuit dans ses appartements privés avec des serviteurs qui n’en ressortent jamais. Ceux qui osent en parler disparaissent. Ceux qui osent écouter entendent des rires étouffés, des murmures dans une langue oubliée.

Et puis, il y a l’odeur. Une puanteur douceâtre, comme de la chair pourrie mélangée à de l’encens. Ça vient de ses chambres. Ça vient d’elle.
Les plus courageux — ou les plus fous — jurent qu’elle n’a plus de reflet dans les miroirs.

« Elle a vendu son âme pour le trône. Maintenant, ils viennent chercher leur dû. »

— Un garde anonyme, avant de disparaître.

La reine Tanaka n’est plus humaine. Et Kald va en payer le prix.

Sur les terres de Kald, là où les ombres des anciens rois s’étirent encore sur les murs des châteaux, une étrange histoire commence à se chuchoter, surtout depuis que les messagers de la reine Tanaka ont croisé un mystérieux voyageur aux allures de colporteur, mais dont le regard perçant trahissait une tout autre nature…

On raconte que le célèbre mercenaire Gorvan le Rouge, celui-là même qui avait disparu après la bataille des Gorges de Valtor, aurait été aperçu dans les tavernes d’Altréas, non pas en armure, mais vêtu d’une simple cape de voyageur, un sourire énigmatique aux lèvres. Les témoins jurent qu’il ne boit plus que de l’hydromel coupé d’eau, qu’il ne jure plus, et qu’il passe ses soirées à jouer aux échecs avec des inconnus, gagnant toujours en trois coups.
Mais le plus troublant, c’est ce qu’il murmure à l’oreille de ses adversaires avant de les écraser :

« Le roi n’est pas mort, il dort. Et quand il se réveillera, ce ne sera pas pour régner, mais pour juger. »

Certains disent qu’il parle du vieux roi Rulrik, d’autres d’un souverain bien plus ancien, dont le nom même a été effacé des chroniques. Les plus superstitieux chuchotent qu’il s’agit du Roi-Serpent, cette légende des temps anciens, mi-homme mi-reptile, qui aurait juré de revenir quand Kald sombrerait dans le chaos.

Et puis, il y a ce détail : Gorvan ne porte plus son épée légendaire, Lame-de-Sang, mais une dague à la garde sculptée en forme de serpent. Une dague qu’il caresse souvent en regardant vers le nord, là où les montagnes de Mitsokaï cachent, dit-on, bien des secrets…

« Un mercenaire ne renonce pas à son épée sans raison. Surtout pas Gorvan. »
— Un vieux soldat, à la taverne du Sanglier Rieur, Altréas.

À suivre…

Sur les terres meurtries de Sartar, loin de l'oreille des soudards à la solde de l'envahisseur, circule une histoire qui ravive les cœurs et remet un peu de baume au cœur des populations meurtries.

Un escargot se promenait en Tchalan. Passant devant le palais du prince qui sortait pour sa promenade matinale, il lui adressa ses salutations.
- Bien le bonjour Prince Tolkia ! Dit l'escargot
- Bien le bonjour ô grand roi de Kald ! Répondit le prince enfourchant son cheval et partant au galop.
Interloqué l'escargot se demanda s'il n'avait pas rêvé et continua son chemin.
Quelques années plus tard, traversant Britéria, il rencontra le prince Xira et lui adressa ses salutations.
- Bien le bonjour Prince Xira ! Clama l'escargot.
- Bien le bonjour ô grand Roi de Kald ! Répondit le prince qui s'inclina et entra dans son château.
Cette fois il n'avait pas rêvé. C'était bien à lui que s'adressait le Prince. Il se rengorgea, gonfla sa poitrine et continua son chemin.
Il traversa Altréas, Gallica, enfila une petite laine et gagna les terres du Nord où en Varalind il arriva au château de la puissante Reine Tanaka qui s'entretenait avec son fidèle vassal le Prince de Geirvimul
D'une voix ferme, il leur adressa ses salutations.
- Bien le bonjour pieuse Reine Tanaka, bien le bonjour Prince Boniface
- Bien le bonjour ô grand Roi de Kald répondirent de concert la Reine faisant la révérence et son Prince s'inclinant respectueusement.
Fier comme Artaban, l'escargot leur rendit leur salut et continua sa route...
Il traversa Erylyn où il rencontra le prince Gunderid, Al Razzim terre du Duc Batikoma, Caledra où il croisa la route du vaillant Général Hortagos qui rentrait de campagne et tous le saluèrent avec déférence, le gratifiant du titre de « Grand Roi de Kald ».
Enfin son périple le mena en Ostrie terre du Prince Piast et de son vassal Gilgamesh.
- Bien le bonjour Prince Piast, bien le bonjour Seigneur Gilgamesh ! Dit l'escargot sur un ton où l'on percevait la vanité et une certaine condescendance.
- Bien le bonjour ô grand Roi de Kald répondirent le Prince et le Seigneur Gilgamesh qui s'inclinèrent à l'instar de tous les Seigneurs de Kald.
Sur le point de tourner casque et rentrer chez lui, l'escargot n'y tenant plus se ravisa et décida de poser la question qui le travaillait depuis des années.

- Messires, toutes les têtes couronnées de Kald que rencontrées ainsi que le général mercenaire ont salué avec respect et qualifié du titre de Grand roi de Kald. Pouvez-vous expliquer...

- C'est simple... Répondit Piast goguenard.

-Tu rampes, tu baves, t'as pas couilles... T'es le roi Rulrik !

Il paraîtrait que des confitures se tartinent quand déconfiture c'est être tartiné.
"Un vaut mieux que deux, tu l'auras !" aurait renchérit l'ermite.

Certains disent que c'est dans les vieux pots qu'on fait les meilleurs soupes, d'autres qu'on a vu parfois rejaillir le feu d'un ancien volcan qu'on croyait gâteux...

Reste à espérer que les rejetons de ces anciennes lignées ne finiront pas en des confitures...

Et que l'âge d'or tant attendu ne soit pas un autre âge "dort" trop connu.

Il se dirait à l'ouest que deux hirondelles ne font pas le printemps. Mais peut-on demander au fou de tempérer ses humeurs ? Ça serait sans doute contraire à sa nature.