LES RUMEURS

La rumeur dit qu’il aurait péri lors d’un affrontement contre Dame Amicie la pieuse, Mère supérieure de Nidafell.
Certains parlent d’un duel,
d’autres d’un exorcisme qui aurait mal tourné,
et quelques-uns jurent même qu’Amicie n’aurait affronté que l’ombre de Boniface,
tant son visage n’était plus celui d’un homme.

Rien n’est confirmé.
Mais à Bilskirnir, on prétend que le vent a porté un cri cette nuit-là,
et que depuis, le gouffre s’est élargi d’un souffle.

D'aprés les dires de certains, Sire Boniface le hardi,Mercenaire aurait péri en château de Bilskirnir (118) en Varalind lors d'un affrontement avec Dame Amicie la pieuse,Mère supérieure de Nidafell.

(suite des rumeurs du Gouffre de Bilskirnir)

On raconte maintenant que la Mère supérieure Amicie elle-même serait venue jusqu’au Gouffre de Bilskirnir, en pleine nuit, pour “rassurer les âmes du Varalind”, dit-on.

Mais selon ceux qui l’auraient vue revenir,
elle n’a rassuré personne.

On murmure qu’en approchant du gouffre,
elle aurait vu Boniface — le hardi — totalement transformé,
méconnaissable,
le corps brisé comme plié par une force qui n’était pas la sienne,
et la peau parcourue de veines noires comme du verre fendu.

Certains disent qu’il n’avait plus d’yeux,
seulement des orbites rougeoyantes,
comme si le gouffre lui-même regardait à travers lui.

Et ce n’est pas tout.

Un témoin affirme que le Roi Xira, encore au bord de la faille, semblait lutter contre quelque chose… quelque chose qui essayait de prendre sa voix.
Il parlait dans une langue qui n’existe dans aucun royaume,
une langue que même Amicie aurait décrite — selon la rumeur — comme
“un enchaînement de sons qui n’appartiennent pas au monde des vivants”.

La rumeur dit qu’au moment où Amicie a posé le pied près du gouffre,
des flammes noires et rouges ont jailli,
hautes comme des lances,
sans chaleur…
mais avec un bruit de respiration profonde.
Comme si le gouffre expirait.

On raconte qu’elle a levé la main pour faire un signe de bénédiction,
et que les flammes ont reculé d’un pas,
avant de revenir trois fois plus hautes,
prêtes à happer tout ce qui se tenait au bord.

Des villageois jurent avoir vu l’ombre de Boniface se dédoubler,
comme si deux créatures marchaient à l’intérieur du même corps.
L’une avançait vers Amicie,
l’autre restait tournée vers le Roi Xira,
prête à lui sauter dessus.

La Mère supérieure aurait crié qu’elle “ne voyait plus un homme, mais un démon sorti du ventre de la terre”,
et qu’un vent funèbre, né du gouffre,
avait failli l’emporter dans le vide.

Depuis, les gens disent que
Boniface n’est plus Boniface,
que Xira parle parfois avec une voix qui n’est pas la sienne,
et que le gouffre s’élargit chaque nuit,
comme s’il avait faim.

Plus personne n’ose approcher Bilskirnir.
Même les torches refusent de tenir une flamme.

Parce que, dit-on,
quelque chose a été réveillé,
et maintenant… quelque chose se déplace.

D’après ce que rapportent plusieurs voix du Varalind, Boniface, le hardi, Mercenaire, aurait été aperçu au bord du Gouffre de Bilskirnir.

On dit qu’il ne s’y contente plus de creuser.
Il invoquerait des forces maléfiques, debout sur la pierre froide, murmurant des mots que personne n’arrive à reconnaître et qui ne ressemblent à aucune langue des royaumes connus.

Certains affirment que, lorsque Boniface lève les bras vers l’ouverture, un souffle noir remonte du gouffre et étouffe les torches alentour.
D’autres jurent avoir vu danser sur la paroi des ombres qui n’étaient pas les leurs.

Rien n’est confirmé, mais tous répètent la même phrase :
“Boniface appelle quelque chose… et quelque chose répond.”

Le Gouffre de Bilskirnir, dit-on, n’a jamais résonné aussi bas.

On raconte qu’hier, au crépuscule, une silhouette royale aurait été aperçue à Bilskirnir.
Certains jurent que c’était le Roi Xira de Beaton en personne, venu sans escorte officielle, presque à la dérobée.
D’autres affirment qu’il n’était qu’un homme lui ressemblant… mais le harnachement de son cheval, disent-ils, ne laisse guère de doute.

La rumeur dit qu’il aurait longuement observé le gouffre, sans parler, immobile comme une statue.
Un garde jure avoir vu le vent s’arrêter autour de lui, comme si l’air lui-même retenait son souffle.

On murmure même qu’en se penchant vers la faille, Xira aurait reculé d’un demi-pas.
Pas par peur, non.
Plutôt comme quelqu’un qui reconnaît quelque chose… et qui en comprend la portée.

Une femme du bourg assure avoir entendu l’un de ses cavaliers déclarer, en remontant à cheval :
“Le roi sait maintenant que ce qui bouge là-dessous n’est pas de ce monde.”
Personne ne sait si c’est vrai.
Mais depuis que cette phrase tourne, les habitants ferment leurs volets avant la nuit.

Dans les tavernes, les versions se multiplient :

certains disent que Xira aurait senti un souffle s’échapper du gouffre,

d’autres qu’il aurait posé sa main contre la paroi et retiré ses doigts gelés,

d’autres encore prétendent qu’il serait parti pâle, le regard ailleurs, comme s’il avait vu une réponse à une question jamais posée.

Aucune version ne concorde…
sauf une :
le Roi Xira aurait murmuré que “le gouffre de Bilskirnir n’est pas un creux, mais une ouverture”.

Une ouverture vers quoi ?
Les rumeurs deviennent floues à ce stade.
Chacun a sa propre théorie, plus sombre que la précédente.

Ce qui est certain, disent les gens du Varalind, c’est que depuis la visite de cet homme — roi ou simple sosie, nul ne le sait — les torches autour de la faille s’éteignent plus souvent…
comme si quelque chose comprenait que l’on commence à parler de lui.

Il se dit que Kald se trouve soudainement bien silencieux depuis que les seigneurs de l'Est ont décidé de se concentrer sur les affaires intérieures de leur royaumes.

Il se dit qu'en matière littéraire comme en peinture, en musique, en sculpture ou en danse, les vrais artistes sont hélas trop rares. Nombreux sont à peine potables voire médiocres... Et quoi que des goûts et des couleurs il ne faille disputer, certains sont véritablement à chier.

D'autres incapables de produire quoi que ce soit, mais ayant malgré ce une très haute opinion d'eux-mêmes ont heureusement trouvé un autre créneau pour tenter d'exister. En bons parasites ils vivent aux dépends de leurs victimes. On appelle ça des critiques.

On raconte que la pénurie de barde et conteurs fait des ravages en Kald.
Le métier gangréné par la propagande et la misère n'attire plus, les anciens se seraient tous reconvertis en traducteurs, bouffons ou miliciens pour les plus malchanceux.
Il n'y aurait aujourd'hui que des enfants, tétant encore le sein de leur mère, pour répandre de pitoyables rumeurs au sujet de jouets en bois, pipi et caca.

Les échos d'Yrédia :

Les vilains d'Yrédia narrent d'étranges phénomènes survenus parfois dans leur contrée. Ainsi certains évoquent des coups de tonnerre dans un ciel d'azur, d'autres de soudaines averses de grêlons de la taille d'un oeuf de dinde, d'autres encore jurent avoir senti le sol trembler et des crevasses s'ouvrir au milieu des champs tandis que des odeurs putrides montaient des profondeur de la terre...
Ceux qui rapportent ces étrangeté ont chaque fois noté la présence du rat de Nizawa no loin de là...
On pourrait de prime abord se dire qu'il ne s'agit là que de croyances populaires, de racontars de bonnes femmes sans cervelle, d'illusions de simples d'esprits, voire de médisances destinées à se venger du petit sire mesquin haï ici comme ailleurs de tout un chacun... Mais comment passe quand concomitamment, il se murmure à la nuit tombée dans les couloirs des châteaux du fat que ses serviteurs auraient été témoins d'événements tout aussi troublants.
Ainsi le chandelier, le porte encrier et le taille plume attestent que lorsque la grosse paluche maladroite de l'empailleur, que ce soit pour lécher le cul d'un sire ou répandre sa bile sur un autre, tente de coucher sur le parchemin ses idées brouillonnes, il arrive que brusquement sa main se fige, la plume résiste et s'écrase, le parchemin se déchire, l'encre se dessèche, un air glacial emplit la salle et mouche les chandelles jusqu'à ce que soudain l'écritoire vole en éclats.
Les serviteurs ont réussi à décrypter quelques lettres de ce mot maléfique qui ose résister à la brute opiniâtre et fait péter l'écritoire ? ... H...o...n...n... … « e » ou serait-ce un « f » ? … « v » ou « u « ? la dernière lettre est illisible... Peut-être un « P » HONNFVP ? HONNEV P? HONNFUP ? HONNEUP ?

Il se dit aussi que de toutes les créatures de la lignée du rat des massifs, son chef d'oeuvre est sans doute Halgotar, descendant de Horgatos, d'une soi-disant famille des premiers temps de Klad mais dont personne ne sait rien et surtout pas lui.
Ayant débuté comme mercenaire tel un Merelde, il a fait des ronds en Klad, de la lèche à droite à gauche avant de dévoiler brusquement ses batteries et rallier son maître... Depuis le général indépendant n'est plus qu'un lointain souvenir, il est devenu un larbin du calibre d'un Roderid... Et quand il s'exprime il parle Vinkar...

Timmight n'était pas mal non plus... Lui aussi a débuté comme mercenaire, un langage ampoulé et fleuri, la vanité de son maître en bandoulière, il n'a guère fait d'étincelles, juste présent pour tuer les descendants des ennemis du rat, mais trop compliqué à gérer car autant il est aisé de faire dire des calembredaines à un Splatch autant il est difficile de renouveler le discours d'un Timmight qui au bout de trois missives ressassait les mêmes mots...
Aujourd'hui, devenu superfétatoire, sa descendance rouille en Gallica. On le réveillera si le besoin se fait sentir.